Duellist – Interview QA

Producteur et DJ originaire d’Édimbourg, Chris Braun aka Duellist compose une techno incisive et intense qui se démarque à travers un soundesign gorgé d’une atmosphère souvent cryptique et cauchemardesque. Fortement inspiré des films d’horreur des années 80 et 90 qu’il agrémente avec ses propres enregistrements terrain, Duellist n’a jamais cessé de perfectionner son style depuis ses premières sorties en 2015. L’approche cinématographique omniprésente dans ses productions relève d’une recherche sonore approfondie, afin d’offrir une expérience d’écoute immersive qui sortirait tout droit d’une bande son pour film terrifiant. 

Avec de nombreuses sorties sur des labels respectés tels que Instruments of Discipline, Mindcut, OBSCUUR, et Scuderia, Duellist sortira son nouvel  album “Oblivion Shores” le 28 juin 2024 sur Repitch.

Dans cette nouvelle interview pour Rust, nous découvrons les influences fondatrices de sa musique, son parcours, sa présence croissante aux Etats Unis, ainsi que ses projets à venir.

Rust : Tes sons et particulièrement les rythmes m’évoquent beaucoup le hardcore des années 90 et je ressens une immense influence. La puissance dans tes percussions incisives, recouvertes d’une atmosphère très industrielle, bâtit un paysage sonore de bruits durs, déchirés, parfois extrêmes et horrifiques, via un soundesign affûté et pas mal de BPM en moins… ! Dans quels éléments fondateurs puises-tu pour façonner le son unique de Duellist ?

Duellist : Je m’inspire fortement du design sonore évocateur des films d’horreur des années 80 et 90, comme Nightmare on Elm Street, Hellraiser, Re-Animator, etc., qui influencent profondément mes éléments atmosphériques et rythmiques. J’incorpore des enregistrements de terrain pour ajouter une texture organique, les intégrant parfaitement dans ma configuration de production. Par exemple, j’utilise du matériel comme le Dave Smith Mopho pour créer des sons analogiques riches. Ma fondation de percussion repose souvent sur le Roland TR-8S, qui offre non seulement une sélection robuste de sons de batterie mais permet également l’intégration de nouveaux échantillons. Ces échantillons sont ensuite traités via une pédale d’effet fuzz, ajoutant une couche granuleuse et distordue qui renforce l’atmosphère industrielle. Cette combinaison d’inspiration cinématographique, d’enregistrements de terrain et de traitement sonore méticuleux culmine en un paysage sonore incisif et percutant qui définit mon style.

Rust : Quand on écoute tes premières sorties en 2015, il y a une évolution constante de ton son. Chaque artiste de la scène techno voit sa musique énormément se transformer avec le temps, de par l’évolution des outils, machines, technologie etc mais pour toi quelle a été l’élément qui s’est révélé le plus important quant à cette orientation très industrielle et noise dans ta musique ?

Duellist : C’est une excellente question, qui invite à une certaine réflexion. Je crois que l’élément le plus significatif dans la formation de mon son très industriel, infusé de bruit et cinématographique, a été mon apprentissage continu et mon exploration de nouvelles techniques. Depuis mes premières sorties en 2015, j’ai consacré beaucoup de temps à perfectionner mon art, en cherchant à m’améliorer et à évoluer en tant que producteur. Ce voyage a impliqué de maîtriser de meilleures techniques de mixage et d’utiliser plus efficacement certaines pièces de matériel, ce qui a été essentiel pour affiner mon son. L’accessibilité des plateformes comme YouTube a également joué un rôle crucial, fournissant une mine de tutoriels et de ressources qui m’ont permis d’élargir mes connaissances et mes compétences. Cette éducation continue a été essentielle pour intégrer de nouveaux éléments dans ma musique, garantissant qu’elle reste fraîche et innovante.

Rust: La thématique de la terreur est très présente dans tes morceaux. Tu embarques même des artistes comme Kenny Campbell (producteur et DJ écossais également avec qui tu collabores souvent) dans ton univers sur une collab K7 que vous avez sorti sur Phage Tapes en 2022 avec un titre plus qu’explicite “Adult Themes and Violent Scenes” dans un registre par ailleurs plus expérimental. Est-ce plus facile de composer ce genre de travail ou bien celui qui est plus orienté vers le dancefloor ?

Duellist : Je trouve que je peux produire des morceaux expérimentaux plus rapidement, car ils sont moins contraints par les règles généralement associées à la musique orientée pour la piste de danse. La liberté d’explorer des sons et des structures non conventionnels permet un processus créatif plus spontané et fluide. De plus, collaborer avec Kenny Campbell, qui est non seulement un bon ami mais aussi un producteur exceptionnel, améliore considérablement le flux de travail. Être sur la même longueur d’onde en termes de workflow nous permet de générer des idées rapidement, rendant le processus de composition plus dynamique et efficace. Cette énergie collaborative est particulièrement évidente dans notre travail sur Adult Themes and Violent Scenes, où la nature expérimentale du projet nous a permis de repousser les limites et d’innover sans restrictions.


“Adult Themes and Violent Scenes” par Duellist X Kenny Campbell sorti en 2022 sur Phage Tapes

Rust : Le rendu cinématographique semble être crucial dans ton travail. Y a-t-il des œuvres qui t’ont particulièrement influencé ?

Duellist : En raison des lois sur le droit d’auteur, j’enregistre généralement mes propres cris et gémissements pour mes morceaux, que je traite ensuite lourdement pour obtenir l’effet souhaité. Cependant, en termes d’inspiration, des films comme The Crow et Event Horizon ont eu un impact significatif sur mon travail. Leurs tons sombres et atmosphériques et leurs paysages sonores intenses résonnent profondément avec le type d’ambiance et d’énergie que je m’efforce de créer dans ma musique. Ces films fournissent une source riche d’inspiration, m’aidant à créer une expérience auditive cinématographique et immersive.

Rust : Ton nouvel album “Oblivion Shores” sortira le 28 juin prochain sur le label Repitch, 2 ans après ton premier album sur Instrument of Discipline. A première écoute, on semble comme pris dans l’imaginaire de l’ouverture d’une crypte où monstres et créatures sauvages se côtoient et parviennent à créer une ambiance horrifique et apocalyptique. Un album concept qui s’ouvre avec une pièce complètement cathartique “Androgyny Reflecting” poursuivant sa route avec des sons chargés de textures glaciales et de rythmes effrénés, martelés avec des kicks ultra solides. Peux-tu nous parler de la genèse de cet album ? Quelles ont été les principales sources créatives pour arriver à créer cette ambiance ultra cinématographique ?

Duellist : J’aime toujours travailler sur des albums, et Oblivion Shores a été un projet particulièrement intrigant qui a évolué au fil du temps. Au départ, il devait s’agir d’un EP, mais en raison de problèmes de calendrier, la sortie de l’EP a été retardée. Heureusement, ce retard a offert l’opportunité de le sortir sur Repitch Recordings, ce qui m’a permis d’élargir le projet, d’ajouter plus de morceaux et de le développer finalement en un album complet. J’aime incorporer des morceaux expérimentaux dans mes albums car ils offrent un contraste avec les morceaux plus dancefloor/peaktime, créant une expérience d’écoute plus variée et engageante. L’influence principale pour cet album était mon désir de créer une narration avec un thème d’horreur. Je voulais que les gens qui écoutent l’album se sentent comme s’ils ou elles avaient été transporté·e·s dans un monde semblable à un film de John Carpenter ou George Romero, ressentant cette même tension et atmosphère. Cette approche cinématographique est centrale à l’ambiance de l’album, visant à immerger le public dans un paysage sonore sombre et apocalyptique.

Rust : J’ai remarqué que tu te produis souvent à “The Mash House”, lieu emblématique des soirées techno underground à Édimbourg. Tu sembles apprécier attirer le public dans ce que tu décris comme “une atmosphère centrée sur la musique, sans artifices, juste de la hard techno pure et dure.” Est-ce que tu peux nous parler de la scène en Ecosse et comment a évolué le public écossais à ce niveau là ? Est-ce que le “son d ‘Edimbourg” existe vraiment ?

Duellist : Je pense qu’il y a certainement des soirées à Édimbourg où les gens viennent réellement intéressés par la musique, comme des événements tels que Pulse, Powerhouse, et Parabellvm. Cependant, il est regrettable que le conseil municipal n’ait pas été aussi favorable aux espaces artistiques, ce qui a conduit à la fermeture de nombreux lieux. Cela a limité les opportunités pour ces soirées de prospérer, obligeant souvent les locaux à voyager plus loin pour trouver des événements de qualité. Le “son d’Édimbourg” était plus présent dans les années 90 et au début des années 2000 lorsque les événements étaient plus expérimentaux et désireux de repousser les limites. Maintenant à part les soirées exceptionnelles que j’ai mentionnées, de nombreux promoteurs ont tendance à jouer la sécurité avec des têtes d’affiche familières, évitant les risques qui pourraient entraîner des pertes financières. Cela a rendu la scène plus prudente et moins aventureuse par rapport à ses jours plus audacieux.

A part les soirées exceptionnelles que j’ai mentionnées, de nombreux promoteurs ont tendance à jouer la sécurité avec des têtes d’affiche familières, évitant les risques qui pourraient entraîner des pertes financières. Cela a rendu la scène plus prudente et moins aventureuse par rapport à ses jours plus audacieux.

Rust : Ton EP sorti en 2022 sur le label Omen Recordings, ta présence sur le line up de leur showcase au Movement Detroit, ton récent gig à NYC, ainsi que ton dernier mix pour 6AM Group démontrent une présence naissante et croissante aux Etats Unis. Penses-tu avoir une carte à jouer musicalement auprès du public américain ?

Duellist : Ce fut un parcours vraiment enrichissant jusqu’à présent. Travailler en étroite collaboration avec Axkan sur son éminent label, Omen Recordings, a été une expérience déterminante pour moi. Grâce à cette collaboration, comme vous l’avez mentionné, j’ai eu le privilège de participer à des événements prestigieux après les soirées Movement Detroit, ce qui m’a non seulement offert une plateforme pour ma musique mais m’a aussi permis de me connecter avec des figures influentes de la scène musicale électronique américaine. Ces interactions ont été inestimables en termes de croissance artistique et de compréhension des préférences et goûts du public américain. Chaque opportunité, que ce soit la sortie de mon EP en 2022 (et un nouvel EP vinyle en 2024) ou des performances dans des lieux notables à New York, a contribué de manière significative à établir une présence et à gagner du terrain auprès des auditoires aux États-Unis. Je reste reconnaissant pour ces opportunités et je me réjouis de continuer à tisser des liens significatifs dans le paysage musical américain.

Rust : Que peut-on attendre pour l’avenir et quels sont tes projets ?

Duellist : Prédire l’avenir est toujours incertain, mais je suis enthousiaste pour ce qui s’annonce. Suite à la sortie de mon prochain album, j’ai d’autres sorties qui sont en préparation et que j’ai hâte de partager. Je vais également travailler sur un autre podcast cette année. En ce qui concerne les performances, je jouerai en Europe dans un avenir proche et je me rendrai en Asie plus tard cette année, alors restez à l’écoute pour les updates et les prochains gigs !

Merci Chris !

Interview par F.Carbone (June 2024)

“Oblivion Shores” will be released on June 28th 2024 on Repitch.

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